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Ecclesia de EucharistiaChapitre 4 : L’Eucharistie et le Communion Ecclésiale34. En 1985, l'Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques a vu dans « l'ecclésiologie de communion » l'idée centrale et fondamentale des documents du Concile Vatican II.70 35. Toutefois, la célébration de l'Eucharistie ne peut pas être le point de départ de la communion, qu'elle présuppose comme existante, pour ensuite la consolider et la porter à sa perfection. Le Sacrement exprime ce lien de communion d'une part dans sa dimension invisible qui, dans le Christ, par l'action de l'Esprit Saint, nous lie au Père et entre nous, d'autre part dans sa dimension visible qui implique la communion dans la doctrine des Apôtres, dans les sacrements et dans l'ordre hiérarchique. Le rapport étroit qui existe entre les éléments invisibles et les éléments visibles de la communion ecclésiale est constitutif de l'Église comme Sacrement du salut.36. La communion invisible, tout en étant par nature toujours en croissance, suppose la vie de la grâce, par laquelle nous sommes rendus « participants de la nature divine » (1, 4), et la pratique des vertus de foi, d'espérance et de charité. En effet, c'est seulement ainsi que s'établit une vraie communion avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. La foi ne suffit pas; il convient aussi de persévérer dans la grâce sanctifiante et dans la charité, en demeurant au sein de l'Église « de corps » et « de cœur »; 5, 6). Le respect de la totalité des liens invisibles est un devoir moral strict pour le chrétien qui veut participer pleinement à l'Eucharistie en communiant au corps et au sang du Christ. Le même Apôtre rappelle ce devoir au fidèle par l'avertissement: « Que chacun, donc, s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe » (11, 28). Avec toute la force de son éloquence, saint Jean Chrysostome exhortait les fidèles: « Moi aussi, j'élève la voix, je supplie, je prie et je vous supplie de ne pas vous approcher de cette table sainte avec une conscience souillée et corrompue. Une telle attitude en effet ne s'appellera jamais communion, même si nous recevions mille fois le corps du Seigneur, mais plutôt condamnation, tourment et accroissement des châtiments ».73 Dans cette même perspective, le Catéchisme de l'Église catholique établit à juste titre: « Celui qui est conscient d'un péché grave doit recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d'accéder à la communion ».75 37. L'Eucharistie et la Pénitence sont deux sacrements intimement liés. Si l'Eucharistie rend présent le Sacrifice rédempteur de la Croix, le perpétuant sacramentellement, cela signifie que, de ce Sacrement, découle une exigence continuelle de conversion, de réponse personnelle à l'exhortation adressée par saint Paul aux chrétiens de Corinthe: « Au nom du Christ, nous vous le demandons: laissez-vous réconcilier avec Dieu » (5, 20). Si le chrétien a sur la conscience le poids d'un péché grave, l'itinéraire de pénitence, à travers le sacrement de la Réconciliation, devient le passage obligé pour accéder à la pleine participation au Sacrifice eucharistique. Évidemment, le jugement sur l'état de grâce appartient au seul intéressé, puisqu'il s'agit d'un jugement de conscience. Toutefois, en cas de comportement extérieur gravement, manifestement et durablement contraire à la norme morale, l'Église, dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et par respect pour le Sacrement, ne peut pas ne pas sentir concernée. Cette situation de contradiction morale manifeste est traitée par la norme du Code de Droit canonique sur la non-admission à la communion eucharistique de ceux qui « persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste ».76 38. La communion ecclésiale, comme je l'ai déjà rappelé, est aussi visible, et elle s'exprime à travers les liens énumérés par le même Concile lorsqu'il enseigne: « Sont pleinement incorporés à la société qu'est l'Église ceux qui, ayant l'Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et tous les moyens de salut qui ont été institués en elle et qui, par les liens que constituent la profession de foi, les sacrements, le gouvernement et la communion ecclésiastiques, sont unis, dans l'organisme visible de l'Église, avec le Christ qui la régit par le Souverain Pontife et les évêques ».77 L'Eucharistie étant la plus haute manifestation sacramentelle de la communion dans l'Église, elle exige d'être célébrée aussi dans un contexte de respect des liens extérieurs de communion. De manière spéciale, parce qu'elle est « comme la consommation de la vie spirituelle et la fin de tous les sacrements »,14, 6; 18, 37); le Sacrement de son corps et de son sang n'admet pas de mensonge. 39. Par ailleurs, en raison du caractère même de la communion ecclésiale et du rapport qu'elle entretient avec le Sacrement de l'Eucharistie, il faut rappeler que « le Sacrifice eucharistique, tout en étant toujours célébré dans une communauté particulière, n'est jamais une célébration de cette seule communauté: celle-ci en effet, en recevant la présence eucharistique du Seigneur, reçoit l'intégralité du don du salut et, bien que dans sa particularité visible permanente, elle se manifeste aussi comme image et vraie présence de l'Église une, sainte, catholique et apostolique ».83 40. L'Eucharistie crée la communion et éduque à la communion. Saint Paul écrivait aux fidèles de Corinthe, leur montrant combien leurs divisions, qui se manifestaient dans l'assemblée eucharistique, étaient en opposition avec ce qu'ils célébraient, la Cène du Seigneur. En conséquence, l'Apôtre les invitait à réfléchir sur la réalité véritable de l'Eucharistie, pour les faire revenir à un esprit de communion fraternelle (cf. 11, 17-34). Saint Augustin s'est efficacement fait l'écho de cette exigence. Rappelant la parole de l'Apôtre: « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes les membres de ce corps » (12, 27), il faisait remarquer: « Si donc vous êtes le Corps du Christ et ses membres, le symbole de ce que vous êtes se trouve déposé sur la table du Seigneur; vous y recevez votre propre mystère ».85 41. Cette promotion particulièrement efficace de la communion, qui est le propre de l'Eucharistie, est l'une des raisons de l'importance de la Messe dominicale. Sur cet aspect et sur les raisons qui le rendent essentiel à la vie de l'Église et des fidèles, je me suis longuement arrêté dans la lettre apostolique Dies Domini 88 42. Conserver et promouvoir la communion ecclésiale est une tâche pour tout fidèle, qui trouve dans l'Eucharistie, sacrement de l'unité de l'Église, un lieu pour manifester sa sollicitude d'une manière spéciale. Plus concrètement, cette tâche incombe avec une responsabilité particulière aux Pasteurs de l'Église, chacun à son rang et selon sa charge ecclésiastique. C'est pourquoi l'Église a donné des normes qui visent tout à la fois à favoriser l'accès fréquent et fructueux des fidèles à la table eucharistique, et à déterminer les conditions objectives dans lesquelles il faut s'abstenir d'administrer la communion. En favoriser avec soin la fidèle observance devient une expression effective d'amour envers l'Eucharistie et envers l'Église. 43. Considérant l'Eucharistie comme sacrement de la communion ecclésiale, il y a un argument à ne pas omettre en raison de son importance: je me réfère à son lien avec l'engagement œcuménique. Nous devons tous rendre grâce à la très sainte Trinité parce que, en ces dernières décennies, de nombreux fidèles partout dans le monde ont été touchés par le désir ardent de l'unité entre tous les chrétiens. Le Concile Vatican II, au début du décret sur l'œcuménisme, y reconnaît un don spécial de Dieu.1, 17), l'Église croit en son efficacité, puisqu'elle prie en union avec le Christ Tête et Époux, lequel fait sienne la supplication de l'épouse, l'unissant à celle de son sacrifice rédempteur. 44. Précisément parce que l'unité de l'Église, que l'Eucharistie réalise par le sacrifice du Christ, et par la communion au corps et au sang du Seigneur, comporte l'exigence, à laquelle on ne saurait déroger, de la communion totale dans les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique, il n'est pas possible de concélébrer la même liturgie eucharistique jusqu'à ce que soit rétablie l'intégrité de ces liens. Une telle concélébration ne saurait être un moyen valable et pourrait même constituer un obstacle pour parvenir à la pleine communion, minimisant la valeur de la distance qui nous sépare du but et introduisant ou avalisant des ambiguïtés sur telle ou telle vérité de foi. Le chemin vers la pleine unité ne peut se faire que dans la vérité. En cette matière, les interdictions de la loi de l'Église ne laissent pas de place aux incertitudes,93 Je voudrais cependant redire ce que j'ajoutais dans l'encyclique Ut unum sint, après avoir pris acte de l'impossibilité de partager la même Eucharistie: « Nous aussi, nous avons le désir ardent de célébrer ensemble l'unique Eucharistie du Seigneur, et ce désir devient déjà une louange commune et une même imploration. Ensemble, nous nous tournons vers le Père et nous le faisons toujours plus “d'un seul cœur” ».94 45. S'il n'est en aucun cas légitime de concélébrer lorsqu'il n'y a pas pleine communion, il n'en va pas de même en ce qui concerne l'administration de l'Eucharistie, dans des circonstances spéciales, à des personnes appartenant à des Églises ou à des Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique. Dans ce cas en effet, l'objectif est de pourvoir à un sérieux besoin spirituel pour le salut éternel de ces personnes, et non de réaliser une intercommunion, impossible tant que ne sont pas pleinement établis les liens visibles de la communion ecclésiale. C'est en ce sens que s'est exprimé le Concile Vatican II quand il a déterminé la conduite à tenir avec les Orientaux qui, se trouvant en toute bonne foi séparés de l'Église catholique, demandent spontanément à recevoir l'Eucharistie d'un ministre catholique et qui ont les dispositions requises.96 46. Dans l'encyclique Ut unum sint, j'ai moi-même manifesté combien j'apprécie ces normes qui permettent de pourvoir au salut des âmes avec le discernement nécessaire: « C'est un motif de joie que les ministres catholiques puissent, en des cas particuliers déterminés, administrer les sacrements de l'Eucharistie, de la pénitence, de l'onction des malades, à d'autres chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique, mais qui désirent ardemment les recevoir, qui les demandent librement et qui partagent la foi que l'Église catholique confesse dans ces sacrements. Réciproquement, dans des cas déterminés et pour des circonstances particulières, les catholiques peuvent aussi recourir pour ces mêmes sacrements aux ministres des Églises dans lesquelles ils sont valides ».97 Il convient d'être très attentif à ces conditions, qui ne souffrent pas d'exception, bien qu'il s'agisse de cas particuliers biens déterminés, car le refus d'une ou de plusieurs vérités de foi sur ces sacrements, et, parmi elles, de celle qui concerne la nécessité du sacerdoce ministériel pour que ces sacrements soient valides, fait que leur administration est illégitime parce que celui qui les demande n'a pas les dispositions voulues. À l'inverse, un fidèle catholique ne pourra pas recevoir la communion dans une communauté qui n'a pas de sacrement de l'Ordre valide.98 La fidèle observance de l'ensemble des normes établies en la matière
Traduction en français du Chanoine Crampon, édition numérique par Jesusmarie.com |